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41 organisations appellent les autorités chypriotes à prendre des mesures pour mettre fin à l’escalade de harcèlement et d’attaques contre l’association KISA et à protéger l’espace civique à Chypre

15 février 2024

[Communiqué de presse Migreurop]

Nous, les organisations soussignées, exprimons notre profonde inquiétude concernant le harcèlement et les attaques continues et croissantes contre KISA, une organisation non gouvernementale de premier plan qui lutte pour les droits humains et l’égalité pour tou·te·s à Chypre. Le travail de KISA promeut une société sans racisme ni discrimination, notamment en défendant les droits des migrant·e·s, des réfugié·e·s et des victimes de traite d’êtres humains.

Le 5 janvier 2024, au petit matin, KISA a été victime d’un attentat à la bombe ciblé. Un engin explosif a été placé devant ses bureaux, détruisant toutes les fenêtres et causant d’importants dégâts à la photocopieuse, aux ordinateurs et à une partie des archives de l’organisation. L’organisation soupçonne que l’attentat a été perpétré par des individus appartenant à des cercles racistes et nationalistes, étant donné que KISA et ses membres ont fait l’objet de menaces répétées. Malgré la gravité de l’attentat, les autorités chypriotes n’ont pas encore réagi officiellement. Alors que la police enquête, elle n’a pas publié de note d’information, contrairement à la pratique habituelle en cas d’incidents de ce type.

Le manque de communication officielle et publique concernant l’agression et l’enquête, ainsi que le manque de soutien à KISA et aux organisations de la société civile en général, témoigne d’un mépris inquiétant de la part des autorités. En effet, nous sommes profondément préoccupés par le fait que les autorités et la police n’aient pris aucune mesure pour protéger KISA et qu’elles n’aient pas réagi de manière adéquate aux nombreuses menaces et aux actes de violence physique et verbale, au harcèlement et aux campagnes de diffamation qui ont été officiellement signalés à la police.
En outre, cette attaque n’est pas un incident isolé, mais le résultat d’une longue campagne visant à discréditer et à réduire au silence les voix indépendantes à Chypre, en particulier KISA. En 2021, 38 organisations ont dénoncé le harcèlement continu contre KISA et les restrictions imposées à l’organisation, y compris son désenregistrement en tant qu’organisation non gouvernementale. Bien que KISA ait depuis lors un nouveau statut légal formel en tant que société à but non lucratif et que la radiation fasse l’objet d’un appel, le gouvernement – en particulier le ministère de l’Intérieur – continue de bloquer plusieurs des activités essentielles de KISA en faveur des migrant·e·s et des réfugié·e·s.

Les organisations soussignées sont également très préoccupées par le fait que les membres et les bénévoles de KISA, en particulier l’ancien directeur exécutif Doros Polykarpou, continuent de faire l’objet de poursuites pénales qui semblent être liées à ses activités de défenseur des droits humains. M. Polykarpou a été reconnu coupable le 21 décembre 2023 et, dix jours seulement après l’attentat à la bombe, condamné à payer une amende pour avoir prétendument « interféré » avec le travail de la police en 2019, après avoir exercé son droit d’observer l’interaction d’un agent de police avec un jeune motocycliste (un mineur, arrêté pour de possibles infractions au code de la route) et de fournir à l’enfant des informations de base concernant ses droits. Un autre procès lié à la criminalisation de M. Polykarpou dans son travail de défenseur des droits humains est en cours et concerne une visite au centre d’accueil de Pournara pour enquêter sur des allégations de conditions de vie inhumaines de mineurs non accompagnés. M. Polykarpou a signalé son agression physique par des agents de sécurité privés en mars 2022, mais il a ensuite été poursuivi pour divers chefs d’accusation (affaire 16767/22). Ces affaires font suite à des décennies d’accusations criminelles portées contre M. Polykarpou qui, selon KISA, font partie d’un ensemble d’affaires visant à intimider, à discréditer et à interférer avec le travail de KISA en tant que défenseur des droits humains. Avant cette dernière décision, M. Polykarpou avait été acquitté dans toutes les affaires judiciaires le concernant.

Nos préoccupations vont au-delà de l’impact immédiat sur KISA et englobent des questions plus larges concernant l’espace civique à Chypre. En particulier, la montée de la rhétorique raciste anti-migrant·e·s et la violence raciste dans le pays est alarmante et nécessite que des actions soient prises au plus vite.

Afin de promouvoir un environnement favorable à une société civile indépendante et à la solidarité avec les migrant·e·s et des réfugié·e·s, et supprimer les restrictions de l’espace de la société civile à Chypre et dans l’ensemble de l’Europe, les organisations soussignées appellent les autorités suivantes à :

Les autorités chypriotes :

  • Condamner publiquement le récent attentat à la bombe contre KISA, et garantir une enquête approfondie, indépendante, impartiale et rapide sur l’attentat du 5 janvier et une réponse appropriée, y compris la priorisation de l’hypothèse selon laquelle l’attentat était lié au travail de KISA en matière de droits humains et de lutte contre le racisme.
  • Garantir une enquête approfondie, indépendante, impartiale et rapide sur les plaintes antérieures déposées par KISA et ses membres concernant le harcèlement, les attaques, les campagnes de diffamation et les menaces. Mettre en œuvre des mesures efficaces pour garantir la sécurité des employé·e·s, des membres et des bénéficiaires des services de KISA.
  • Protéger la liberté d’association de KISA et mettre fin à la criminalisation de KISA et de ses membres.
  • Prendre des mesures pour permettre à KISA de poursuivre ses activités, notamment en lui accordant un accès total aux centres d’accueil et de détention où sont détenus les migrant·e·s et les réfugié·e·s.
  • Prendre des mesures concrètes pour mettre fin à toute législation ou politique qui encourage le racisme, les discours de haine, la xénophobie et l’intolérance à l’égard des migrant·e·s, des réfugié·e·s et des personnes racialisées à Chypre. Prendre des mesures pour lutter contre les récits extrémistes et la rhétorique raciste dans les médias et le discours public.
  • Respecter les normes internationales et régionales sur le droit à la liberté d’association et la protection des défenseur·euse·s des droits humains, et en particulier les lignes directrices conjointes de l’OSCE/BIDDH et de la Commission de Venise sur la liberté d’association, les lignes directrices de l’OSCE sur la protection des défenseur·euse·s des droits humains, la déclaration des Nations unies sur les défenseur·euse·s des droits humains et les recommandations du groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur les ONG.

L’Union européenne :

  • Condamner l’attaque qui a eu lieu le 5 janvier 2024 et les autres plaintes en cours, et appeler les autorités chypriotes à répondre de manière adéquate et à mettre fin au harcèlement en cours contre KISA et à l’ingérence dans son travail, conformément aux recommandations de la Commission européenne de 2023 sur la promotion de l’engagement et de la participation effective des citoyens et des organisations de la société civile dans les processus d’élaboration des politiques publiques et aux conclusions du Conseil sur l’espace civique.
  • Suivre de près la situation à Chypre, en particulier le climat de violence et de xénophobie, en s’attaquant à l’hostilité à l’égard des migrant·e·s, des réfugié·e·s et des organisations antiracistes et de défense des droits des migrant·e·s.
  • Aborder ces attaques contre les défenseur·euse·s des droits humains et leurs organisations dans le cycle annuel de l’État de droit et faire une recommandation ciblée à Chypre pour garantir un espace sûr pour les défenseur·euse·s des droits et mettre fin aux attaques en cours et aux restrictions de la liberté d’association de KISA et à la criminalisation de KISA et de ses membres.
  • Appeler les autorités chypriotes à respecter et à faire respecter la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, les principes de l’État de droit et le droit à la liberté d’association.
  • Développer un système d’alerte précoce pour détecter le harcèlement des individus et des organisations civiques, y compris ceux qui défendent les droits des migrant·e·s et la justice raciale, afin d’empêcher leur criminalisation. Ce système devrait susciter des réponses rapides au niveau de l’UE, telles que des recommandations, un dialogue, des sanctions et un financement d’urgence. En outre, il convient de collaborer avec la société civile pour mettre en place un « système de réaction rapide » (en s’appuyant sur le mécanisme de défense des droits humains à l’extérieur de l’UE) offrant des lignes d’assistance téléphonique, une aide juridique et une relocalisation temporaire afin de protéger la société civile dès les premiers signes d’attaque.

 

Signataires :

Organisations internationales et européennes :

  • AMERA International
  • Amnesty International
  • Borderline-europe Human Rights without Borders
  • European Civic Forum
  • European Network Against Racism (ENAR)
  • EuroMed Rights
  • FIDH (International Federation for Human Rights), in the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
  • Front Line Defenders
  • Greek Helsinki Monitor
  • Human Rights Cities Network
  • Institute of Race Relations
  • International Service for Human Rights (ISHR)
  • La Strada International
  • Migreurop (dont fait partie La Cimade)
  • Minority Rights Group
  • Netherlands Helsinki Committee
  • Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants (PICUM)
  • PRO ASYL
  • Protection International
  • Statewatch
  • World Organisation Against Torture (OMCT), dans le cadre du Observatory for the Protection of Human Rights Defenders

Organisations nationales :

  • Aditus Foundation, Malta
  • Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD), Tunisia
  • Associazione Ricreativa e Culturale Italiana (ARCI), Italy
  • Cairo Institute for Human Rights (CIHRS), Egypt
  • Center for Peace Studies, Croatia
  • Center for Public Innovation, Romania
  • Damascus Center for Human Rights Studies (DCHRS), Syria
  • Focus on Labour Exploitation (FLEX), UK
  • Gentium, Spain
  • Greek Council for Refugees (GCR), Greece
  • Hellenic League for Human Rights, Greece
  • Human Rights Association (IHD), Turkey
  • Hungarian Helsinki Committee, Hungary
  • Irídia, Spain
  • Irish Council for Civil Liberties, Ireland
  • Legal Center for the Protection of Human Rights and the Environment – PIC, Slovenia
  • Ligue des droits de l’Homme (LDH), France
  • Network for Children’s Rights, Greece
  • Tamkeen for Legal Aid and Human Rights, Jordan
  • Vatra Psycho Social Center, Albania

Auteur: Service communication

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